Le vignoble que je vois depuis ma fenêtre le matin est hirsute, débordant de rameaux les années un peu plus humides, hérissé d’herbes folles et par endroits je peux voir quelques tâches sur le feuillage dues aux intempéries. Il y a encore quelques années j’aurais pensé : « C’est du travail de cochon » alors qu’aujourd’hui je le trouve beau.
J’ai appris à m’occuper des vignes avant de savoir en tirer du vin. L’idée qu’une grande cuvée se prépare d’abord au vignoble ne m’est donc pas tout à fait étrangère. Il existe pourtant une réelle différence entre ma vision enthousiaste d’apprenti vigneron et celle d’aujourd’hui – enthousiaste mais aguerrie, quant à la tenue du vignoble.
En cultivateur zélé, j’ai commencé par suivre toutes les règles avant de discerner celles auxquelles je voulais déroger. Le progrès ayant de tout temps été associé à l’ordre et à l’organisation, les rudiments de la viticulture allaient bien sûr dans ce sens. Leur principe est d’apporter à la plante ce dont elle a besoin et de tenter d’éliminer tout ce qui peut lui nuire. C’est sans doute ainsi qu’on obtient les raisins les plus sains et un vignoble impeccable. Une approche efficace mais simpliste, qui ne m’a pas longtemps satisfait.
Il semble à la réflexion qu’imposer notre vision de l’ordre à la nature est une erreur, étant donné qu’elle a déjà sa propre organisation et son équilibre complexe. En voulant tout contrôler, on la prive de sa richesse et on limite son expression. Pour ma part j’ai commencé à faire des vins qui me plaisaient lorsque j’ai fini par lâcher prise. Laisser la vie s’installer dans le vignoble : l’herbe, les insectes, puis les plantes autochtones, les champignons… la conversion en bio faisait évidemment partie de cette démarche. Une fois dans l’aventure j’ai dû lui abandonner mes derniers retranchements.
Cela ne signifie pas que je ne fais plus rien : je dois au contraire redoubler de vigilance car tout écart aurait des conséquences catastrophiques sur la qualité de la vendange. C’est comme pour un enfant : tandis que tout lui interdire ne l’aidera pas à développer sa personnalité, ne pas s’en occuper serait encore plus néfaste. Êtres humains ou vignes, je suis convaincu que celui qui n’a pas toujours eu ce qu’il voulait a plus de choses à raconter que celui qui n’a connu qu’une vie sans heurt. C’est l’histoire que je cherche à retranscrire dans mes vins.
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