Nous serons tous heureux de tourner la page «2020» à minuit le 31 décembre, malgré les nombreuses incertitudes qui subsisteront. Alors que tout le monde s’est, à juste titre, concentré sur la perturbation sociale et économique mondiale causée par la pandémie de coronavirus, la récolte de vin 2020 a été extrêmement troublante pour beaucoup de nos collègues. C’est navrant d’entendre leurs expériences de première main, et nos cœurs vont vers chacun d’entre eux. Et pourtant, pour nous, le millésime 2020 est l’une des rares sources de satisfaction dans ce contexte compliqué.
Tout d’abord, nos équipes sont restées en bonne santé et je remercie tout le monde pour leur fidélité, leur solidarité ainsi que leur discipline pour respecter les consignes de sécurité. Elles furent parfois contraignantes mais au final, ont permis de préserver la santé de tous et de faire le travail en temps et en heure sans déroger à nos exigences qualitatives.
La nature nous a gâté avec une très belle récolte sur pied. Nous sommes les premiers surpris compte tenu du stress que l’année 2019 avait fait subir à la vigne avec ses températures extrêmes et sa pluviométrie déficiente. Aucun « accident climatique » n’est venu perturber 2020 et tous les cépages et toutes les parcelles ont répondu présent. un certain nombre de vignes ont même dû être « soulagées » d’une charge trop généreuse pour permettre d’atteindre le niveau qualitatif visé.
Un début d’année beaucoup plus chaud que la moyenne a conduit à un débourrement très précoce (10 jours d’avance) et une pousse très franche accentuant cette avance. La fleur était déjà bien avancée à la mi-mai. Cet été, durant la phase de maturation, les températures furent plus modérées que ces dernières années et les nuits plus fraiches. La pluviométrie, bien que modérée, a été suffisante car très bien distribuée aux moments où la vigne en avait besoin (avril-juin).
Ces conditions favorables au végétal ont induit une récolte très précoce mais surtout une convergence de maturité de tous les cépages et donc une fin de vendange exceptionnellement précoce. Au 18 septembre, la récolte était quasiment terminée. La rentrée de raisin s’est jouée en « Fast & Furious » avec son lot de challenges. L’équipe a vraiment mouillé le maillot, en travaillant en 2×8 avec les contraintes liées au COVID. Les gros apports quotidiens durant une période encore chaude ont fortement augmenté notre besoin en froid. Mais nous avons eu la chance de pouvoir utiliser les chambres froides de notre activité fruitière et après 48h, le raisin pouvait rentrer en cave à 2°C.
Les premières sensations du millésime sont excellentes sur les 3 couleurs : fruits frais, jus dynamiques et belles perceptions d’acidités. Pourtant, les résultats des premières analyses d’acidité nous donnaient des niveaux extrêmement bas, ne correspondant pas aux sensations de dégustation. Nous avons cependant décidé de faire confiance à notre palais et ne pas corriger. Après le début des fermentations, tout est rentré dans l’ordre naturellement. A ce jour, je ne comprends toujours pas complètement ce phénomène mais il confirme que dans notre métier, malgré les progrès de la science, il faut toujours s’appuyer sur ses convictions et écouter son intuition.
Il y a aussi beaucoup d’élégance dans ce que nous goûtons, dû à la signature du millésime mais aussi dû au choix que nous avons fait de moins pousser les maturités et les extractions. Le travail très important que nous faisons à la vigne en association avec la maturité que notre vignoble est en train d’acquérir nous donne des raisins de plus en plus expressifs et équilibrés, ce qui nous permet aujourd’hui de progressivement lever le pied sur nos interventions en vinification. Comme d’habitude, nous avons vinifié sans SO2 et en levure indigène et pour les vins rouges, nous avons utilisé des grappes entières. Nous observons que la signature de chaque terroir se renforce et se singularise, et la palette avec laquelle nous travaillons est vraiment passionnante.
Les rouges sont très colorés, avec une aromatique fraiche, relevée parfois d’un trait de végétal (dû à la grappe entière) et une belle profondeur. Même si les macérations sont en cours, je pense que la bouche sera plus sur l’élégance que sur la puissance et le grain de tanins sera très fin. La précision des élevages sera la clé pour venir finir d’habiller les belles cuvées.
Les blancs et rosés sont tendus, particulièrement les Grenaches. Les Roussannes et Viogniers sont très digestes et n’ont pas l’opulence débordante qu’ils ont habituellement à ce stade. Beaucoup de classe et d’équilibre ! Ce sera un millésime axé sur la fraicheur avec des accents presque bourguignons.
Aujourd’hui, cette vendange est notre rayon de soleil de l’année 2020 !
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